Patrick Brillet, responsable Infocentre de Hachette Livre, groupe hexagonal fondé en 1826 qui fédère à présent de nombreuses maisons d’édition, détaille les usages de sa société en matière de Business Intelligence. Il revient également sur les tendances qui impactent la BI en 2012, en étant plus réceptif aux attentes concrètes des utilisateurs, qu’à la déferlante médiatique « Big Data ».
Quelles ont été les évolutions des usages de Business Intelligence au sein de votre groupe ?
Nos usages BI étaient initialement liés au domaine logistique, puisque Hachette Livre dispose d’un grand centre de distribution pour les éditeurs. Ces analyses permettent d’optimiser la gestion des stocks et de dimensionner notre outil logistique. En la matière, nous sommes des précurseurs puisque nous avons commencé ce genre d’analyses en 1987, grâce aux bases de données (BDD) en colonnes. Cela permettait déjà à l’époque à l’utilisateur de s’affranchir de la structure des données et de pouvoir analyser ces dernières selon les critères de son choix. Nous en sommes ensuite progressivement venu à l’analyse commerciale, au suivi des ventes, du CA, et aux analyses de gestion (un énorme volume de données puisque nous commercialisons plus de 200 000 titres).
Nous sommes donc passés d’une centaine d’utilisateurs « experts de la donnée » à une démocratisation des usages grâce à l’arrivée des outils web. A partir de 2002, l’évolution naturelle a été d’intégrer ces applications web dans un portail d’entreprise, qui mélange à la fois données décisionnelles et données opérationnelles. Au final, nous comptons aujourd’hui près de 1000 utilisateurs. Soit un ratio de 1 à 10 entre nos usages originels et les usages BI 2012.
A-t-il été complexe de gérer ces changements ?
L’évolution s’est faite très progressivement en fonction des besoins des utilisateurs. En termes d’architecture et de structure informatique, nous avons pu capitaliser sur les données que nous avons mises en place petit à petit, notamment les BDD en colonnes. Nous les avons d’abord utilisées pour construire des requêtes en mode Client/Serveur. Par la suite, nous nous sommes réappropriés ces requêtes pour construire nos applications web, avec des coûts de développement et de maintenance d’infrastructure très bas. Hachette Livre gère une centaine d’éditeurs distribués : leurs besoins en termes d’analyses sont très différents. Un enjeu de la diffusion a donc été de pouvoir prendre en compte ces spécificités, tout en limitant les développements afin de mutualiser au maximum.
Selon vous, quelles sont les priorités à venir pour la Business Intelligence ?
Je remarque un intérêt de plus en plus vif pour les présentations visuelles des analyses, sous forme de graphiques sophistiqués. Dans notre groupe traditionnellement, nous en sommes majoritairement restés aux tableaux de chiffres, mais j’ai constaté des demandes de nos commerciaux qui souhaitent avoir de nouvelles formes de présentations, notamment pour pouvoir prendre en compte les aspects géographiques. Cela montre aussi que la démocratisation des outils est très poussée en 2012. En ce sens, de nouveaux types d’outils comme Coheris Liberty Insight permettent de répondre très rapidement à ces nouveaux besoins, sans formation technique. Pour nous, c’est une approche complémentaire des applications que nous mettons à disposition sous forme de portail, pour répondre aux besoins ponctuels. Dans l’absolu, la priorité est de rendre la navigation dans les données, ainsi que leur visualisation, les plus intuitives possible.
Quelle tendance risque d’impacter le plus profondément la BI : La mobilité ? Le Big Data ?
Ce qui ressort des entretiens que nous menons régulièrement, c’est que le mode collaboratif intéresse énormément les utilisateurs. Ils aimeraient pouvoir diffuser à la fois l’information décisionnelle auprès des décideurs et enrichir cette information en la commentant. Je pense qu’une évolution en ce sens est inévitable et influe lourdement sur le fond et la forme de la BI.
La mobilité a évidemment de l’avenir. Au sein de Hachette Livre, nous avons fait le choix de rendre accessible un petit extrait de notre portail décisionnel pour les smartphones. Je pense que cette diffusion de l’informatique décisionnelle, sous une forme très simple, facile d’accès et de navigation, va être l’enjeu de la BI durant les prochains mois. Le développement de l’utilisation des tablettes comme l’iPad va engendrer assurément un besoin d’analyse sous une forme visuelle très différente du passé dans les mois et les années à venir. L’utilisateur aura de plus en plus besoin d’avoir un outil procurant une réponse rapide et précise, sur n’importe quel aspect de son métier, et accessible de n’importe quel lieu. C’est l’étape suivante du développement de cette « agilité » de la Business Intelligence.
Et ce n’est pas un effet de mode. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit bien d’aider l’utilisateur. Ce dernier est avant tout un usager des outils de bureautique traditionnels, rendus célèbres par la suite Microsoft Office. Dans leur évolution, les outils de BI doivent absolument conserver leur lien fort avec ces outils classiques. Il s’agit à la fois de compatibilité et d’une capacité à naviguer entre les outils en toute fluidité. Ces sujets touchent précisément au quotidien des utilisateurs, alors que la puissance des outils de bureautique a considérablement évolué ces dernières années. Pour la majorité des utilisateurs, nous sommes donc loin des questions très médiatiques sur le Big Data. Je pense qu’en ce sens, agilité, mobilité et collaboratif vont avoir un impact beaucoup plus direct sur de nombreuses activités.
Pensez-vous que la Business Intelligence va continuer à se diffuser dans l’entreprise ? Avec de nouveaux types d’utilisateurs ?
Si j’en crois mon expérience au sein du Groupe Hachette Livre, l’utilisation de la Business Intelligence touche tous les métiers. Chez nous, son usage était d’abord réservé aux cadres commerciaux et à la finance, ainsi qu’à la logistique, mais avec le développement de la BI et l’augmentation de son agilité, les agents de maîtrise à la logistique utilisent maintenant aussi ces outils. L’informatique décisionnelle descend dans la hiérarchie et dans tous les domaines, élargissant du même coup le nombre d’utilisateurs. Elle revêt de plus en plus un aspect complètement transversal pour l’entreprise, de la DRH à la Finance, en passant par le marketing, les commerciaux, l’éditorial, etc. Et cette dynamique ne fait que se renforcer.
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