Jean-Michel Franco, Directeur Solutions chez Business & Décision analyse pour nous les logiques actuelles du marché de la BI.
Comment a évolué le marché de la Business Intelligence ces dernières années ?
Fin 2007, le marché s’est engagé dans une logique de consolidation, dans un environnement beaucoup plus cohérent. Une concentration s’est effectuée autour de grands éditeurs qui ont procédé à des acquisitions puis unifié leurs offres dans des suites intégrées.
Côté clients l’idée a émergé que plutôt que d’avoir des initiatives BI dans le domaine de la vente et d’autres dans celui des achats, qui ne partagent pas les méthodes, les outils ou les ressources, il fallait fédérer les initiatives et rendre le tout plus industriel. C’était une optique de rationalisation.
Aujourd’hui, nous constatons un retour à l’innovation. Il y a de nouveaux besoins, qui sont tirés par les métiers. L’entreprise cherche la réactivité, l’agilité, la proximité. La BI doit se démocratiser, s’envisager en mode self service et se mettre au service des usages de manière plus immédiate.
Quelles sont ces nouveaux sujets de la BI ?
Sur un plan fonctionnel, la BI est souvent utilisé en Finance, par définition, puisqu’il est question de chiffres, d’allocation des ressources, de planification…. La demande est aussi portée par les enjeux CRM de la connaissance client. Un commercial a besoin d’avoir une bonne compréhension et une vue 360° de ses clients. Au moment d’une commande, il est utile de savoir s’il y a des problèmes en attente au support client, ou, dans une dimension plus sociale, dans quel mesure un client peut-être un prescripteur et influencer ses pairs. Ces questions ont toujours été le nerf de la guerre, mais actuellement les moyens existent pour aller récupérer beaucoup d’informations à l’extérieur de l’entreprise.
L’intelligence à ce niveau va permettre de servir plus efficacement le client.
Au-delà de ces deux piliers de la demande en termes de BI, on observe une généralisation des usages dans toutes les activités : RH, développement durable, R&D, achats, logistique…
L’agilité est un sujet critique. Quand la BI s’est industrialisée, elle a eu tendance à perdre en proximité vis-à-vis des besoins des métiers. On a privilégié les gros projets, prévus longtemps en avance, avec des démarches très encadrées pour la spécification des besoins. Or cela ne couvre qu’une partie des besoins de Business Intelligence. Il faut aussi parvenir à donner plus d’autonomie aux métiers pour qu’ils puissent définir leurs nouveaux besoins et initier de nouvelles initiatives.
Comprendre le client, optimiser les processus et avoir une capacité de réponse et d’accompagnement doivent être les cadres d’utilisations de la BI.
Temps réel, agilité… toujours plus de proximité avec les utilisateurs ?
La « BI pour tous », c’est l’amener à ceux qui en ont besoin mais qui aujourd’hui n’en sont pas équipés. Quelqu’un qui vient faire des réparations à domicile, par exemple, a aussi besoin de prendre des décisions, face aux problèmes qu’il rencontre au quotidien. Pour pouvoir les aider, il faut que la Business puisse être utilisée « sur le terrain » et qu’elle permette de prendre des décisions au fil des événements qui surviennent, en « temps réel ».
De manière plus générale, on constate des besoins différents en termes de BI selon les rôles visés.
Des contrôleurs de gestion – ou des chefs de produit marketing – par exemple ont besoin d’analyser l’information de manière profonde. Cela fait partie de leur métier de manipuler des chiffres toutes la journée. En général, ils sont plutôt bien servis par les outils BI traditionnels.
De leur côté, les managers veulent avant pouvoir consommer une information riche et synthétique, préparée spécifiquement pour eux, avec des éléments qui leur permettent de se comparer avec d’autres, par exemple. Enfin, une personne en boutique ou en centre d’appel, a surtout besoin de réactivité. Il ne peut pas se passer 1 minute entre la question d’un client ou l’arrivée d’un événement et la réponse donnée.
Qu’est-ce qui fait évoluer la BI actuellement ?
La demande des métiers avant tout. Aujourd’hui, dans le domaine de la vente par exemple, on ne demande pas seulement aux commerciaux de vendre, mais aussi de planifier et de rendre compte : ils doivent proposer des prévisions de vente et les ajuster en permanence, surtout pendant les périodes de crise ou d’incertitudes. Au-delà de ce rôle de coordination et de contrôle, Le commercial a aussi besoin d’une aide à la décision, pour proposer la bonne offre au bon client au bon moment…
On peut appliquer les exemples cités sur le commerce à toutes les activités de l’entreprise. Planifier, prévoir, rendre compte, sont autant de fonctions qui sont devenues l’affaire de tous dans l’entreprise. Et on attend de tous qu’ils soient capables d’identifier de nouvelles opportunités, pas seulement de faire leur travail, mais aussi de trouver les moyens de le faire mieux, en permanence.
Comment réagissent les entreprises face à ces changements ?
Les entreprises sont plus matures. Elles sont en train de passer à la vitesse supérieure. Cela peut varier entre les grandes et les petites, mais la grande majorité des entreprises commencent au moins à avoir des éléments de BI : elles ne partent plus d’une feuille blanche.
Lire la deuxième partie de l’interview de Jean-Michel Franco : « La qualité des données est un enjeu BI majeur«